Interview d’une lectrice

J’ai découvert le Cachemire à l’occasion de reportages pour la presse news et je m’étais promis d’y retourner et de rester un moment sur place. Pourquoi ? Parce que je suis tombée amoureuse de ce pays. Je suis une montagnarde et au Cachemire les paysages et les ciels sont magnifiques, sans oublier la gentillesse des gens. Ce sont des musulmans soufis donc très tolérants et humanistes. En tant que femme, je peux me promener et photographier en toute liberté. Le Cachemire est en guerre depuis quinze ans. C’est une guerre dont personne ne parle! Etat indépendant en 1947, il a été envahi successivement par ses voisins pakistanais et indiens. Des élections ont eu lieu en 1989, truandées par les Indiens, et la situation a dégénéré. Les Cachemiris ont créé leur mouvement d’indépendance soutenu par le Pakistan et, depuis, la population est prise en étau entre l’armée indienne et les indépendantistes avec tout ce que cela signifie de tortures, viols et assassinats. Malgré cette situation, les habitants essaient de préserver leur culture mais le soufisme est en train de disparaître au profit du fondamentalisme qui se nourrit de la guerre. J’ai choisi cette planche parmi les centaines que j’ai réalisées durant mes trois séjours car, à mon sens, elle représente la dualité de ce pays. A la fois la douceur de ses habitants et les beaux paysages, de la vue n°1 à la 22 et le lendemain, à partir de la vue 23, la découverte des cadavres qui rappelle la violence de la guerre. Ces photos ont été prises lors de mon dernier voyage. J’étais basée à Srinagar et rayonnais autour de la capitale cachemiri à pied ou en voiture. On est au mois d’août et comme souvent en montagne, un orage se prépare. J’ai marché toute la journée et n’ai rien trouvé. Le soir, au bord de la route, je vois cette passerelle qui permet de franchir le torrent venu des sommets. Je descends et attends que quelqu’un passe en peaufinant mon cadre. J’attends longtemps et tout à coup j’assiste à un véritable lâcher d’écolières. Je déclenche, au Leica M6 et 35 mm. Une d’entre elles passe en courant, je sens que j’ai la bonne photo, c’est la vue n°8. C’est rare que j’ai cette intuition que la planche m’a confirmée. Cette photo sera aussi celle de la couverture de mon livre sur le Cachemire.

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